Vétérinaires et droits international humanitaire : réflexions sur une controverse

Éric DARRÉ, Emmanuel DUMAS
RÉSUMÉ
Dans un contexte géopolitique particulièrement agité, les nations ont entrepris desréflexions sur le sens à donner au respect des règles qui visent à préserver un peud’humanité dans la guerre. Elles font souvent l’objet de controverses et parfois de conflits,comme celles relatives à la protection de certaines catégories de personnel.C’est dans ce cadre qu’une étude a été entreprise sur la protection conférée par lesconventions de Genève au personnel vétérinaire. Ils n’appartiennent pas au service de santédans tous les pays, ne sont pas considérés comme personnel protégé par les conventionsde Genève, ont une fonction duale relevant à la fois du domaine humain et du règne animalet pourtant, en France, ils détiennent une carte d’identité sanitaire leur conférant certainsdroits particuliers.C’est en étudiant l’esprit du cadre protecteur des conventions de Genève, l’histoire duservice vétérinaire ainsi que de ses missions et en observant la démarche internationale quel’on peut expliquer ce différend.
Mots-clés : Vétérinaire, protection, conventions de Genève
VETERINARY SERVICE AND INTERNATIONAL HUMANITARIAN LAW :COMMENTS ABOUT A DISPUTE
ABSTRACT
Nowadays, and due to the current particularly geopolitical context, nations beganreflections on the sense to be given to the respect of the rules which aim at protecting a littlemore humanity in the war. This leads frequently to dispute and sometimes conflicts, as thoserelative to the protection of some special staff categories.In this framework, a study started on the protection conferred to the veterinarian staffby the Geneva conventions. They do not belong to the health branch in all countries, are notconsidered as protected staff by the Geneva conventions, have two different functionsrecovering both human and animal issues and nevertheless, in France, they hold a sanitaryidentification card conferring them some special rights.We can resolve this dispute in studying the spirit of the protecting frame of theGeneva conventions, the story of the veterinarian service as well as its missions and inobserving the international approach.
Key-words: Veterinarian, protection, Geneva conventions
VÉTÉRINAIRES ET DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE :RÉFLEXIONS SUR UNE CONTROVERSE.
I) INTRODUCTION.
Dans un contexte géopolitique particulièrement mouvant, les nations engagées dansdes conflits armés ont entrepris des réflexions majeures sur l’évolution et le sens à donnerau respect des règles qui visent à préserver un peu d’humanité dans la guerre. Parmi cesréflexions, celles relatives aux conduites à tenir vis-à-vis du terrorisme depuis les évènements pudiquement appelés «du 11 septembre 2001 », des prisonniers de guerredepuis les détentions de Guantanamo, de la torture avec l’affaire de la prison d’Abou Graïb,apparaissent au premier plan et soulèvent de tels questionnements que les débats sontparticulièrement animés, voire violents.Dans cette recherche d’un renouveau du droit de Genève, d’autres interrogations defond persistent parmi lesquelles celles relatives aux personnes protégées qui sont toujoursd’actualité, comme le souligne la récente affaire de l’ambulance de l’United Nations Reliefand Works Agency (UNRWA), et font souvent l’objet de controverses.C’est dans ce cadre qu’une réflexion a été entreprise sur la protection à accorder àune certaine catégorie de personnels : celui des services vétérinaires, du fait des évolutionsmajeures de leurs activités depuis l’écriture des conventions de Genève. L’objet de ce courtarticle est de replacer le cadre protecteur des conventions de Genève vis-à-vis du personnelvétérinaire en étudiant l’histoire de ce service en France, l’évolution de ses missions et encomparant les données internationales disponibles.
II) NAISSANCE ET DÉVELOPPEMENT DES SERVICES VÉTÉRINAIRES
A) HISTORIQUE.
1) Une reconnaissance difficile.
L’emploi de personnes chargées des soins aux animaux des armées semble aussiancien que l’emploi des animaux à des fins militaires.Depuis l’antiquité, en effet, les armées ont utilisé des animaux, principalement deschevaux et des chiens, mais aussi des mulets, des pigeons voyageurs, des oies. Les soinsdispensés à ces animaux ont d’ailleurs souvent été assurés par leurs utilisateurs, en général,les cavaliers (1). Progressivement, un personnage aux attributions mixtes va apparaître : l’écuyer. Il escorte le seigneur et l’assiste au combat ; il dresse les chevaux, les soigne et les ferre. Au Moyen-âge, l’émancipation progressive de la maréchalerie va pousser les écuyersà étendre leurs compétences au traitement de l’animal dans son ensemble. Cette intricationdes fonctions va longtemps entretenir une grande confusion entre les attributions dumaréchal-ferrant, du vétérinaire et de l’écuyer et de son successeur, l’officier de cavalerie. Les auteurs tiennent à remercier leurs confrères étrangers Allemands, Belges, Canadiens,Espagnols, Italiens et Américains qui ont bien voulu s’associer à ce travail afin de le clarifier.En France, la création d’une armée permanente par Charles VII voit l’affectation demaréchaux-ferrants dans les compagnies de cavalerie.Le terme de «maréchaux vétérinaires » semble être apparu la première fois dans l’armée française en 1687 dans des lettres patentes de Colbert (2). La première écolevétérinaire, est créée à Lyon en 1761 par Claude Bourgelat, avocat et écuyer. Ses premiersélèves en sortent en 1765 avec le titre de «Privilégiés du Roi en l’Art Vétérinaire ». Unedeuxième école est fondée à Alfort cette même année et en 1769, un ordre du Duc deChoiseul, ministre de la guerre, enjoint à tous les colonels des régiments de cavalerie dedétacher à l’école d’Alfort un sujet pour y être instruit en l’art vétérinaire. Par ordonnance du17 avril 1772, les élèves militaires reçoivent à leur sortie de l’école, la dénomination de« Maréchal Expert » avec rang de maréchal des logis surnuméraire. A partir de 1774, desélèves militaires sont entretenus à l’école vétérinaire d’Alfort puis dans les autres écoles. LeRèglement du 1er juin 1788 confie l’exclusivité du soin des chevaux malades aux MaréchauxExperts. A partir de 1794, les Maréchaux Experts recevront l’appellation d’artistesvétérinaires qui sera utilisée jusqu’en 1843 puis remplacée par le titre de vétérinaire. Affectésdans les régiments de cavalerie et dans les unités dotées d’importants effectifs équins(régiments d’artillerie, train), les vétérinaires militaires resteront longtemps sans structuretechnique particulière. A partir de 1795, des vétérinaires inspecteurs sont choisis parmi lesprofesseurs des écoles vétérinaires pour des missions temporaires d’inspection. Lesvétérinaires des armées, comme leurs confrères du civil, vont lutter pendant le XIXe sièclepour s’élever dans l’échelle sociale. Ce siècle verra la reconnaissance des compétences desvétérinaires militaires, leur lente progression dans la hiérarchie et la constitution progressived’une organisation spécifiquement vétérinaire.A partir de 1843, les vétérinaires principaux situés au sommet de la hiérarchievétérinaire siègent à la Commission d’hygiène hippique présidée par un général de cavaleriemais ont un rôle essentiellement consultatif. L’état d’officier est conféré aux vétérinaires pardécret du 28 janvier 1852 et la direction des infirmeries vétérinaires leur est confiée. Ce n’est qu’en 1878 que seront créées les premières structures vétérinaires régionales : les« ressorts vétérinaires » au nombre de dix. En 1884, les vétérinaires obtiennent l’assimilationde leurs grades, de leurs soldes et de leurs retraites à ceux de la hiérarchie militaire.2) Une autonomie de courte durée.A partir de 1906, une Section Technique Vétérinaire est formée au niveau central(Direction de la Cavalerie) et commandée par un Vétérinaire Principal de première classe(colonel) pour assurer la direction technique des activités vétérinaires. Les fonctionsd’inspection nationale apparaîtront en 1913 avec la création d’un poste de vétérinaireinspecteur ayant rang de général de brigade, les services vétérinaires obtiennent alorsprogressivement leur autonomie technique. En 1929, une sous-direction du ServiceVétérinaire est créée au sein de la Direction de la Cavalerie et du Train.Pendant la première guerre mondiale, les vétérinaires combattent aux côtés descavaliers. La quasi-disparition de l’emploi des effectifs équins au cours de la deuxième guerre mondiale et la création de l’Arme Blindée Cavalerie remettront en cause cette placeet entraîneront un premier rattachement du Service Vétérinaire à la Direction Générale duService de Santé Militaire à compter du 1er janvier 1945 (arrêté du 10 octobre 1944).L’enseignement militaire et administratif des vétérinaires sera complété par une importanteformation scientifique et technique en plus des applications traditionnelles de pathologie vétérinaire et d’hygiène alimentaire.La recherche vétérinaire militaire d’après-guerre s’appuiera sur des travauxexpérimentaux et associera étroitement la biologie vétérinaire appliquée à la pathologie ducheval et du chien. L’étude du modèle animal et la bio-instrumentation connaîtront undéveloppement important dans la recherche biomédicale et dans le secteur Nucléaire,Biologique et Chimique. L’hygiène alimentaire prendra une importance croissante avec lesfilières de productions nouvelles, l’évolution des techniques de transformation, de transport,de conservation et de distribution en restauration collective.3En Indochine, en plus des missions classiques du contrôle de l’alimentation, de lamaintenance et de la surveillance sanitaire des chevaux et mulets, les conditions desopérations favoriseront le développement d’une cynotechnie militaire sous forme de pelotonscynophiles opérationnels.Les charges d’instruction, de formation, de soutien sanitaire, les responsabilités desurveillance de la chaîne alimentaire, les missions opérationnelles demandées par leCommandement, en même temps que la continuité dans les tâches de recherchescientifique devaient amener l’autonomie fonctionnelle puis administrative du servicevétérinaire pendant une courte période de 1961 à 1967 au cours de laquelle ce service, sanslien avec le service de santé, sera rattaché à l’Etat-major des Armées sous l’appellation« service biologique et vétérinaire des armées ». Avec la réduction des effectifs liée la fin dela guerre d’Algérie et de l’empire colonial français, ce service va perdre son autonomie etsera remplacé par le corps des vétérinaires biologistes et des personnels spécialistesrattachés à l’armée de terre puis au service de santé en janvier 1978 (décret du 18 février1977) (3) (4).
B) ÉVOLUTION DES MISSIONS.
Bien que les vétérinaires militaires aient contribué et contribuent encore de façonimportante aux activités de recherche au profit de la défense (gaz de combat pendant lapremière guerre mondiale, radiobiologie, physiopathologie, etc.), nous évoqueronsessentiellement les missions de soutien direct des armées en nous basant sur le décretn°2004-534 du 14 juin 2004 portant statut particulier des praticiens des armées françaisesqui précise le cadre des missions des vétérinaires au sein du service de santé des armées :les vétérinaires des armées assurent la conception, la direction, la mise en oeuvre,l’évaluation et l’inspection des activités relatives, d’une part, au contrôle de la qualité et del’hygiène des denrées alimentaires et, d’autre part, au suivi sanitaire des animaux (5).1) Hippiatrie.Jusqu’à la première guerre mondiale, l’essentiel des activités des vétérinairesmilitaires seront consacrées aux soins des chevaux. L’épopée coloniale leur permettra demontrer leurs compétences au profit d’autres espèces. Par leur efficacité dans la lutte contreles épizooties dévastant le cheptel des populations autochtones, ils contribuèrent de façonnon négligeable à la pacification des territoires conquis. Les vétérinaires au sein desrégiments de cavalerie font partie des combattants. Ils participeront comme sous-officierspuis comme officiers aux actions de combat de leurs unités. Le Général Mordacq écrit dansson livre Les spahis soudanais « les vétérinaires ont prouvé en chargeant, à l’occasion lesabre à la main, qu’ils sont des cavaliers et des combattants » (6). De nombreux vétérinairestombèrent ainsi au champ d’honneur pendant les campagnes de l’empire et de l’épopéecoloniale. On peut citer dans les multiples engagements des guerres coloniales, l’aidevétérinaire Emile Hue qui meurt d’une balle dans la tête lors d’un affrontement à Kondia alorsqu’il vient de sauver le sous-lieutenant Marchand, futur héros de Fachoda, grièvementblessé et évanoui, qu’il a réussi à emporter hors de la mêlée (7).Durant la guerre franco-allemande de 1870-71, les vétérinaires chargèrent avec leurrégiment, comme le prévoyait le règlement, à la gauche du quatrième escadron. Suite à lacapitulation de Sedan et à la reddition de Metz, de nombreux vétérinaires sont prisonniers deguerre (8). Une requête fut faite auprès du gouvernement allemand par le corps professoralde l’école vétérinaire belge de Cureghem pour solliciter au nom de la convention de Genèvede 1864 la libération des vétérinaires militaires français prisonniers. Cette démarche futinfructueuse.La première guerre mondiale marquera le début de la mécanisation des armées et dudéclin du rôle du cheval dans les armées. Le deuxième conflit mondial confirmera cetteévolution inéluctable et les dernières unités montées combattantes disparaîtront en 19624avec le retrait de l’armée française d’Algérie. Du fait de la diminution des effectifs équins, lesvétérinaires se verront temporairement confier les activités de remonte de 1947 à 1962 à lasuite de la dissolution du Service des Remontes.En juin 1940, avec l’effondrement de l’armée française, de nombreux vétérinairesseront faits prisonniers. Ils seront considérés comme prisonniers de guerre avec cependantdes inégalités de traitement : certains seront captifs pendant cinq ans en Allemagne alorsque d’autres bénéficieront d’un statut de prisonnier sur parole et continueront à exercer leurart dans un cadre civil (remplacement d’un vétérinaire praticien ou d’un directeurdépartemental des services vétérinaires en captivité, affectation au service du ravitaillement,etc.) (9).Les armées conservent néanmoins 1300 chevaux répartis dans plusieurs unités(régiment de cavalerie de la Garde Républicaine, Centre des Sports Equestres Militaires,Ecoles, etc.). Le soutien vétérinaire des effectifs équins est actuellement assuré par lesstructures vétérinaires territoriales et par trois Services Vétérinaires d’Unité comptant neufvétérinaires des armées.2) Cynotechnie2.La première guerre mondiale verra le début de la cynotechnie avec l’emploi organiséde plus de 15000 chiens (chiens sentinelles, estafettes ou porteurs) (10).Après une période de désintérêt relatif, les chiens seront à nouveau employés en1939-45. Les conflits de décolonisation en Indochine et surtout en Algérie entraîneront undéveloppement important de l’utilisation des chiens : chiens d’éclairage, de pistage, degarde, de déminage et de grotte. Initialement cantonnés dans un rôle strictement médical(détermination de l’aptitude médicale, soins et prophylaxie – mentionnons à ce propos que lamédecine est la science des maladies et l’art de les guérir (11)), les vétérinaires se verrontconfier après la deuxième guerre mondiale la direction des activités cynotechniques : achat,gestion et entraînement des chiens, formation du personnel cynotechnicien, préparation etencadrement des activités opérationnelles. Ainsi, malgré leur rattachement au service desanté, les vétérinaires dirigent des unités combattantes. En Algérie, plus de la moitié despelotons cynophiles opérationnels sont commandés par des vétérinaires aspirants (12). Cesattributions seront conservées jusqu’au deuxième rattachement du corps des vétérinairesbiologistes au Service de Santé des Armées en 1978. A cette date, les armées reprendrontchacune les missions d’achat, d’entraînement, de gestion et d’emploi des chiens et lesvétérinaires reviendront à un rôle strictement médical.De nos jours, le suivi sanitaire des effectifs animaux des armées comprend lavérification de l’aptitude médicale à l’emploi, les soins et la mise en oeuvre des opérations deprophylaxie au profit des 1300 chevaux et 3500 chiens des armées de terre et de l’air, de lamarine et de la gendarmerie. Au delà du seul cadre des effectifs animaux des armées, lesvétérinaires sont chargés de veiller à l’exécution des opérations de police sanitaire sur lesanimaux de toutes origines séjournant de manière permanente ou occasionnelle à l’intérieurdes emprises militaires en cas de constatation de cas de maladies réputées contagieuses.Les vétérinaires participent également, en coopération avec les médecins, à la surveillanceet à la prévention des risques de zoonoses, maladies infectieuses animales transmissibles àl’homme.L’importance de ces missions dépasse le cadre du ministère de la défense et lesvétérinaires des armées peuvent participer aux opérations de santé publique vétérinaire encas de crise ou de catastrophe nationale voire internationale. Ainsi en 2001, onzevétérinaires des armées ont été intégrés, au Royaume-Uni, dans le dispositif de lutte contrel’épizootie de fièvre aphteuse.2 du Grec cyno-. kuôn, kunos, «chien». et technie [t?kni], tekhnê, «art, métier».53) Hygiène des aliments.Les découvertes pasteuriennes de la seconde moitié du XIXe siècle mirent enévidence le rôle des micro-organismes dans de nombreuses maladies et les risques liés à laconsommation d’aliments contaminés. Elles accélérèrent la mise en place d’une inspectionvétérinaire des viandes en abattoir (lois du 21 juillet 1881 et du 21 juin 1898). Cetteinspection vétérinaire systématique était initialement réalisée sous l’autorité des maires, maispour les animaux destinés à l’alimentation des troupes, cette mission fut confiée auxvétérinaires des armées (13). Des vétérinaires militaires participèrent aux commissionschargées de déterminer les motifs et l’étendue des saisies de viandes à réaliser (14). Cesmissions de contrôle sanitaire des viandes s’étendront ensuite progressivement à l’ensembledes aliments et à l’hygiène de la restauration dans les armées.A la suite de plusieurs accidents alimentaires liés à l’ingestion de conserves dans descorps de troupe, un Laboratoire d’Etude et de Contrôle des Viandes Conservées de l’Arméeest créé le 2 février 1901. Initialement implanté dans les locaux de l’Institut Pasteur de Pariset dirigé par le Docteur Roux, il sera transféré en 1908 aux Invalides et dirigé par unvétérinaire militaire. Il servira même, de 1909 à 1924, de laboratoire de référence pour leministère de l’agriculture pour la répression des fraudes en matière de conserves. Serontensuite progressivement organisés des laboratoires auxiliaires du service des vivres quidevinrent les laboratoires régionaux des subsistances puis les Laboratoires du Commissariatde l’Armée de Terre (LCAT) dont les sections « microbiologie » sont toujours dirigées pardes vétérinaires (15). De nos jours, le LCAT d’Angers poursuit cette mission d’expertise desconserves, notamment pour celles des rations de combatAujourd’hui, les missions des vétérinaires des armées dans le domaine de l’hygiènedes aliments s’inscrivent pleinement dans les missions générales du Service de Santé desArmées en matière de prévention. Les vétérinaires sont chargés du contrôle de la sécuritédes aliments destinés aux organismes du ministère de la défense et la surveillance del’hygiène de la restauration collective. L’exclusivité de ce contrôle leur a été confiée pararrêté du 29 septembre 1997. Le contrôle de la sécurité et de la qualité des aliments estassuré par des audits des fournisseurs de denrées alimentaires à risques sanitaires. Cesaudits conduisent, le cas échéant, à l’attribution d’une Homologation Vétérinaire Interarmées(HVIA), homologation qui constitue un préalable nécessaire à la passation des marchés auprofit des établissements ressortissant au ministère de la défense. Le contrôle de l’hygiènedes aliments en restauration collective consiste en des évaluations périodiques de l’hygiènedu fonctionnement et de l’infrastructure des organismes de restauration qui permettent aucommandement de mettre en oeuvre les actions correctives nécessaires. Une participationvétérinaire aux projets de construction ou de restructuration des organismes de restaurationpermet la prise en compte des impératifs hygiéniques. Les vétérinaires des arméesparticipent par ailleurs activement aux enquêtes épidémiologiques lors de toxi-infectionsalimentaires collectives (16).4) Missions particulières aux théâtres d’opérations extérieures.Depuis une dizaine d’années, une cellule vétérinaire avec un vétérinaire des arméesest le plus souvent intégrée à la chefferie du service de santé des armées de chaqueopération extérieure d’importance. Les vétérinaires exercent alors les mêmes missions qu’enFrance et ont un rôle déterminant de conseillers du commandement dans leurs domaines decompétence, en raison de l’accroissement des risques sanitaires du fait des conditions plusprécaires en matière d’approvisionnement en denrées alimentaires et de restauration, descontacts plus fréquents avec des animaux domestiques ou sauvages et d’une façon plusgénérale avec l’environnement.Ces risques sont encore aggravés par le fait que les interventions ont lieu lors desituations de crise, de catastrophe ou de conflit dans des régions où les structures sanitaires6sont désorganisées. Les maladies contagieuses animales exotiques sont fréquentes et leurincidence est souvent augmentée par l’interruption des politiques locales de santé publiquevétérinaire.Les vétérinaires participent ainsi au sein du service de santé des armées à la maîtrisede l’environnement biologique des forces : lutte anti-vectorielle (mise en place de mesurespréventives et d’opérations de désinsectisation et de dératisation), contrôle des populationsd’animaux errants et interdiction des animaux mascottes, gestion des déchets, etc. Cesactions se déroulent fréquemment en coopération avec les épidémiologistes inséréségalement dans les chefferies santé de théâtre. De telles mesures sont essentielles pourpréserver la santé des militaires et la capacité opérationnelle des forces mais aussi pouréviter l’introduction de maladies animales contagieuses, zoonotiques ou non, lors du retourdes forces et de leur matériel en France. A titre d’exemple, des opérations de désinfectiondes matériels et véhicules ont été prises pour prévenir la réintroduction en France de lafièvre aphteuse à partir des foyers apparus en Bosnie-Herzégovine en 1996-97. Desmesures semblables sont toujours prises du fait de la présence de la chrysomèle du maïsdans les Balkans, fléau pour l’agriculture.Enfin, les vétérinaires peuvent être appelés sur décision du commandement àintervenir au profit des populations locales dans le cadre des actions civilo-militaires. Cesinterventions, liées à la désorganisation ou au dénuement des structures de santé publiquevétérinaire existantes, peuvent être d’une grande variété : conseils pour la constructiond’abattoirs d’animaux de boucherie ou de volailles, participation à des opérations deprophylaxie, de dépistage ou de lutte contre les maladies animales dans le cheptel local,évaluation de la qualité des ressources en eau, etc.L’analyse des missions montre que le service vétérinaire a tout d’abord été engagédans des actions combattantes (au sein des unités montées puis des pelotons cynophiles)où tous étaient armés et traités en combattants, puis, dans un second temps dans uneactivité du domaine sanitaire avec en particulier le développement de l’hygiène des aliments.Force est de constater, au vu des missions exercées actuellement au profit desforces en opération ou en cas de conflit armé, que les vétérinaires des armées font partieintégrante du soutien santé. Les missions auxquelles ils sont affectés sont le plus souventlimitées à des interventions de prévention pour le maintien de la santé des forces : hygiènedes aliments, qualité de l’eau, maîtrise des risques zoonotiques. Pour ce qui concerne lesoutien des effectifs animaux des armées, maintenant limités aux seuls chiens, il n’inclut plusde participation aux activités d’entraînement ou de combat.
III) PROBLÉMATIQUE POSÉE PAR LE DROIT INTERNATIONAL HUMANITAIRE.
A) LA PROTECTION CONFÉRÉE.
Les Conventions de Genève n’ont pas été conclues pour dispenser des privilèges aupersonnel sanitaire en temps de guerre, ni rendre ainsi un hommage à la professionmédicale. Les personnes qu’elles ont pour fin de protéger en tous lieux contre la guerre,contre les hommes, leur indifférence, leur malice ou leur cruauté, ce sont celles qui sonttombées, celles qui souffrent, celles qui sont faibles et innocentes. Et si les médecins, lesinfirmières se voient assurer également le respect et la protection, ce n’est que dans lamesure et pour autant que ceux-ci sont nécessaires à ceux-là (17).Le chapitre sur les personnes protégées est l’un des plus importants de la 1ièreconvention de Genève (18). Il en est même la base, car il contient l’idée essentielle quicommande toutes les conventions de Genève : « les personnes mises hors de combat, parmaladie, blessures, détention ou tout autre cause et les personnes qui ne participent pas ouplus aux combats seront respectées, protégées et traitées humainement avec la mêmesollicitude, et ce, qu’ils soient amis ou ennemis. »7Toutefois, on n’a jamais tenté, dans les conventions de Genève, de définir ce qu’ilfallait entendre par un militaire blessé ou malade. De même, on ne s’est jamais préoccupéde déterminer le degré de gravité qu’une blessure ou une maladie devait présenter pourentraîner le droit au respect. Une définition, en raison de son caractère forcément limitatif,aurait sans doute ouvert la porte à de nombreuses interprétations voire des abus. Lasignification des mots blessés et malades est une question de bon sens et de bonne foi. Ilscouvrent les militaires qui, en raison d’une blessure ou d’une maladie quelles qu’elles soient,sont tombés, ou qui, à la suite d’une appréciation personnelle de leur état de santé, ontrenoncé à la lutte et déposé leurs armes. Le premier protocole additionnel aux conventionsde Genève (19) ne définit pas mieux les blessés et malades puisqu’il précise qu’ilss’entendent des personnes, militaires ou civils, qui, en raison d’un traumatisme, d’unemaladie ou d’autres incapacités ou troubles physiques ou mentaux, ont besoin de soinsmédicaux et qui s’abstiennent de tout acte d’hostilité.Si l’on s’est abstenu volontairement de définir les blessures et les maladies, il n’en apas été de même pour ce qui concerne le personnel sanitaire. Un paragraphe spécial determinologie figure au premier protocole additionnel des conventions de Genève et définitprécisément ce qu’il faut entendre par « personnel sanitaire ».Il s’agit :- du personnel exclusivement affecté par une partie au conflit, à la recherche, àl’évacuation, au transport, au diagnostic ou au traitement – y compris les premierssecours -des blessés, des malades et des naufragés, ainsi qu’à la prévention desmaladies ;- du personnel exclusivement affecté à l’administration d’unités sanitaires ou aufonctionnement ou à l’administration de moyens de transport sanitaire.Ces affectations peuvent être permanentes ou temporaires.Précisons pour mémoire que la traduction anglaise de « personnel sanitaire » utiliséedans les Conventions et protocoles est « medical personnel ». Dans la traduction française,ni les conventions, ni les protocoles additionnels ne parlent de personnel médical ; seul leterme personnel sanitaire apparaît. Tout au plus, c’est de la mission médicale dont on parle.Cet aspect sémantique qui n’apparaît pas dans la traduction anglaise est particulièrementimportant dans l’analyse de la protection que nous effectuons ici.La protection du médecin dans les conflits armés ou celle de la profession médicalefait apparaître une ambiguïté : si l’on pense d’emblée au médecin stricto sensu, il est évidentque seul, il ne peut remplir la mission qui lui est impartie (20). Dès lors, on est amené àdonner une définition plus large du personnel sanitaire : ensemble des membres desprofessions médicales ou paramédicales ou encore de toutes les personnes dont laprofession est de guérir ou de contribuer à guérir. Ce sont les personnes qui donnentdirectement leurs soins aux blessés et aux malades des armées : médecins, chirurgiens,dentistes, pharmaciens, infirmiers et infirmières, brancardiers, etc.Cependant, pour être protégé, ce personnel doit être exclusivement affecté auxfonctions qui sont énumérées par la Convention de façon limitative. Cette affectationexclusive est le propre du personnel sanitaire ; c’est à ce prix que les Etats ont consenti, enconcluant la Convention de Genève, à accorder, jusque sur le champ de bataille, uneimmunité spéciale à des militaires ennemis. Mais l’énumération limitative des fonctions dupersonnel sanitaire n’entraîne nullement que ce personnel doive être affecté uniquement àune seule de ces fonctions. Il peut être affecté à plusieurs ou même à l’ensemble de cestâches, pourvu que ce soit à l’exclusion d’occupations qui ne rentreraient pas dans cetteénumération. Parmi les fonctions qui caractérisent le personnel sanitaire proprement dit, la8Conférence de 1949 a ajouté la prévention des maladies. On a constaté en effet que, dansles armées modernes, une part importante de l’activité du personnel sanitaire consiste àprévenir les maladies, en prenant à l’égard de la troupe des mesures hygiéniques etprophylactiques (vaccination, lutte anti-vectorielle, épuration de l’eau, etc.). Il fallait donccomprendre ces mesures dans les tâches que le personnel du Service de santé peutaccomplir. Les commentaires au premier protocole reprennent par ailleurs cette idée : « demême, des établissements ne s’occupant pas directement des victimes que sont les blessés,malades et naufragés, mais cherchant à en diminuer le nombre en prévenant les maladies,sont aussi considérés comme des unités sanitaires. Il en est ainsi, notamment, des institutsde vaccination ou autres instituts de médecine préventive et des centres de transfusionsanguine ».Les commentaires des protocoles additionnels (21) précisent que le personnelsanitaire recouvre des personnes qui sont affectées à certaines tâches nécessaires au bienêtredes blessés et malades. La protection du personnel est une protection subsidiaire,accordée pour que soit assurée la protection des personnes principalement visées, soit lesblessés et les malades. Il en est d’ailleurs ainsi du personnel d’administration qui, sansdonner directement des soins aux blessés et malades, assurent l’administration et lefonctionnement des formations et établissements sanitaires ainsi que des moyens detransport sanitaire : administrateurs, conducteurs d’ambulances, cuisiniers ou cuisinières,nettoyeurs, etc. Le champ des unités sanitaires couvre entre autres les hôpitaux et autresunités similaires, les centres de transfusion sanguine, les centres et instituts de médecinepréventive et les centres d’approvisionnement sanitaire, ainsi que les dépôts de matérielsanitaire et de produits pharmaceutiques de ces unités. Ces unités sanitaires peuvent êtrefixes ou mobiles, permanentes ou temporaires. Ces personnes appartiennent bien auService de santé de l’armée. Il était nécessaire d’accorder à ces personnes la mêmeimmunité qu’au personnel sanitaire proprement dit. Elles font en effet partie intégrante desformations et établissements sanitaires qui, sans leur concours, ne pourraient rendre lesservices que l’on doit en attendre. Pour cette catégorie, également, l’affectation exclusive estde rigueur.
B) LA PLACE DU PERSONNEL DES SERVICES VÉTÉRINAIRES
Le mot vétérinaire n’apparaît qu’une seule fois dans les 400 pages des conventionset des protocoles additionnels et il sème le doute quant à la protection de ces personnels. Eneffet, l’article 22 de la première convention dispose que la présence de vétérinaires au seind’un établissement sanitaire protégé ne fait pas perdre l’immunité de cet établissement :« Ne seront pas considérés comme étant de nature à priver une formation ou unétablissement sanitaire de la protection conférée par le droit de Genève :1. le fait que le personnel de la formation ou de l’établissement est armé et qu’il use deses armes pour sa propre défense ou celle de ses blessés et de ses malades ;2. le fait qu’à défaut d’infirmiers armés, la formation ou l’établissement est gardé par unpiquet ou des sentinelles ou une escorte ;3. le fait que dans la formation ou l’établissement se trouvent des armes portatives etdes munitions retirées aux blessés et aux malades et n’ayant pas encore été verséesau service compétent ;4. le fait que du personnel et du matériel du service vétérinaire se trouvent dans laformation ou l’établissement, sans en faire partie intégrante ;5. le fait que l’activité humanitaire des formations et établissements sanitaires ou de leurpersonnel est étendue à des civils blessés ou malades. »Cela signifierait que les installations vétérinaires et leurs personnels ne sont pasprotégés. Cette vision est corroborée par les commentaires Pictet (22) qui font mention d’un9refus de la Conférence diplomatique d’assimiler service vétérinaire et service de santé ausens des conventions de Genève.En France, cependant, le personnel vétérinaire dispose d’une carte d’identitésanitaire et est considéré, au sein des armées, comme personnel protégé. Protègerait-onainsi abusivement, en France, le personnel vétérinaire ? Quelle position adopter vis-à-vis deces personnels ? Quelle a été la démarche entreprise par les autres nations au regard decette catégorie de personnels ?
IV) DISCUSSIONA) ASPECT FONCTIONNEL.
1) Un positionnement particulier vis-à-vis du service de santé.
Cette 4ième disposition de l’article 22 de la 1ière convention de Genève, qui date de1929, a été introduite sur proposition de la délégation des Etats-Unis, qui fit valoir que, dansl’armée américaine, les vétérinaires sont attachés aux formations sanitaires. En revanche, laproposition faite en 1929, par une autre délégation, d’assimiler le Service vétérinaire auService de santé a été repoussée.Le texte anglais de la Convention de 1949, qui fait foi, au même titre que le textefrançais, emploie pour « service vétérinaire » l’expression « veterinary service ». Mais il y alieu de relever qu’aux Etats-Unis d’Amérique ces termes avaient déjà une significationbeaucoup plus large qu’en France, couvrant non seulement les personnes qui soignent lesanimaux mais aussi des agents de l’intendance militaire préposés à la vérification hygiéniquede certaines denrées alimentaires.C’est ainsi qu’on lit dans le dictionnaire de Webster de 1934 : « Corps vétérinaire : Servicedu Département sanitaire chargé des soins et de la santé des animaux appartenant àl’organisation militaire ainsi que de l’inspection et de la vérification des aliments carnésdestinés à la troupe ».En 1952, on concluait cependant que cette disposition paraissait avoir perdu de sonimportance en raison de la motorisation des armées modernes, sans toutefois répondre à laquestion de l’assimilation des services vétérinaires au service sanitaire.Ainsi, bien que non couvert par les conventions de Genève, en France, le corps desvétérinaires biologistes a été rattaché au service de santé des armées le 1er janvier 1978. Cen’est pas le cas de toutes les armées comme nous le verrons plus loin.
2) Une action non focalisée sur le malade, le blessé ou le naufragé.
Le personnel sanitaire est protégé parce que son action est dirigée vers les soins auxpatients. De par les conditions de sa naissance sur le champ de bataille, le droit humanitaire,en affirmant dès la 1ière convention, le droit des blessés et des malades à être recueillis etsoignés, devait obligatoirement prévoir une protection particulière pour ceux qui sont appelésà remplir cette mission. Le DIH stipule en effet que les personnels et services sanitaires, àquelques parties qu’ils appartiennent, doivent être respectés et protégés en toutecirconstances contre les effets des hostilités, afin de leur permettre de remplir leur mission(23).Baccino-Astrada, juriste du comité international de la Croix-Rouge, précise dans sonmanuel des droits et des devoirs du personnel sanitaire, que le personnel sanitaire ne selimite pas au personnel médical proprement dit mais prend également en compte tout lepersonnel nécessaire pour assurer le traitement adéquat des blessés et malades, pourautant qu’il soit incorporé au Service de santé (24). Et de citer le cuisinier d’un hôpital,l’administrateur, le mécanicien chargé d’entretenir les véhicules sanitaires.10Or, le personnel vétérinaire n’a pas réellement une action orientée vers le malade oule blessé mais vers la totalité du personnel de la force. D’autre part, il ne participe pasparticulièrement au fonctionnement des unités sanitaires, même si dans certains cas et danscertains pays, des missions paramédicales peuvent lui être confiées au sein de ces unités.Les droits du personnel sanitaire ayant été établis pour qu’ils puissent accomplir la tâchehumanitaire qu’ils sont appelés à assumer, en cas de conflits armés, en faveur des victimesde ces derniers, il en découle que les devoirs qui leur incombent sont directement liés auxdroits des personnes protégées qui leur sont confiées. On ne voit donc là aucun argumentplaidant en faveur de la protection du personnel vétérinaire puisque son action n’est pasdirigée vers le blessé ou le malade.
3) Une action non effectuée exclusivement au profit de l’être humain.
Quand le personnel sanitaire a une affectation temporaire, il n’est considéré commepersonnel sanitaire que pendant la durée de son affectation sanitaire. Mais, dans tous lescas, que ce soit pour une période indéfinie ou pour une période limitée, il doit, pourbénéficier de la protection accordée au personnel sanitaire, être exclusivement affecté à desfins sanitaires dont les tâches ont été définies limitativement. Il ne saurait profiter de laprotection dont il bénéficie pour accomplir d’autres activités et en particulier collaborer à desopérations militaires.Rappelons que l’énumération limitative des fonctions du personnel sanitairen’entraîne nullement que ce personnel doive être affecté uniquement à une seule de cesfonctions. Il peut être affecté à plusieurs ou même à l’ensemble de ces tâches, pourvu quece soit à l’exclusion d’occupations qui ne rentreraient pas dans cette énumération. Or, il estdes tâches vétérinaires qui ne relèvent nullement du domaine sanitaire consacré aucombattant.Quelle serait la protection conférée à un personnel vétérinaire qui exercerait en partiedes fonctions de médecine vétérinaire ?
B) ASPECT INTERNATIONAL.
Il n’existe pas de position univoque des Etats vis-à-vis de la protection à apporter àleur service vétérinaire, quand ils ont en un. C’est à chaque Puissance qu’il appartient dedéterminer la composition de son Service de santé et de décider quelles sont les personnesqu’elle y affectera.Le Canada, par exemple, ne dispose pas de service vétérinaire dans ses armées.C’est une branche spéciale de personnels des forces qui assure la surveillance del’alimentation en relation avec les médecins. Ces personnels ne sont pas protégés.En Italie, les vétérinaires ne sont pas inclus dans le service de santé des armées. Ilsfont partie intégrante des services logistiques et ne jouissent pas de la protection del’emblème.Aux Etats-Unis, l’US Army Veterinary Service est l’agent exécutif du ministère de laDéfense pour ce qui relève du soutien vétérinaire de l’armée de terre, de la Marine, del’armée de l’air et du corps des « Marines ». Il est distinct du service de santé. Le manuel decampagne américain destiné au service vétérinaire (25) précise qu’il y a deux catégories depersonnels protégés par les conventions de Genève : l’une correspond au personnel médicalqui est engagé exclusivement dans la recherche, la relève, le transport ou le traitement desblessés et des malades ; l’autre correspond au personnel engagé exclusivement dansl’administration des unités et établissements médicaux. Le personnel médical et le personnelvétérinaire font partie de deux entités différentes et des groupes distincts pour ce qui relèvedes conventions de Genève. La présence de personnel vétérinaire dans une unité médicalen’est pas suffisante pour leur donner le droit à la protection et aux privilèges définis par lesconventions de Genève. Leur présence dans une telle unité n’est cependant pas de nature àfaire perdre la protection à cette unité. Le personnel vétérinaire sera traité comme11combattant s’il est capturé ou interné. Une exception à cette règle est faite quand lepersonnel vétérinaire est assigné à une unité médicale et exerce exclusivement et à tempscomplet une fonction de transport de blessés ou malades, d’administration de soins à despatients ou toute tache visant à la sauvegarde de la vie des blessés et malades. Dans cescas bien précis, ils seront autorisés à porter le brassard à croix rouge, à disposer d’une carted’identité sanitaire et auront droit à la protection des conventions de Genève. Mais ce derniercas est une situation exceptionnelle qui n’apparaît en fait que dans les textes puisque lesvétérinaires oeuvrent en général avec les unités de police militaire et du génie (combatengineers) pour les chiens de détection de mines, et avec le service de l’intendance« quartermasters » et les groupes de transports quand ils assument des fonctions relatives àl’hygiène des aliments.L’Espagne semble se rapprocher de cette dernière dynamique ; le personnelvétérinaire n’étant protégé que lorsqu’il est inséré dans une unité sanitaire et qu’il exerce sesactivités exclusivement au profit des blessés et malades. Lorsque ces personnels sontdéployés au sein d’autres formations logistiques, en particulier lorsqu’ils effectuent leurstâches de surveillance de l’hygiène de l’alimentation, ils ne sont pas protégés.La Belgique a une position qui est proche de celle de la France. Les membres duservice vétérinaire militaire belge bénéficient des mesures de protection particulièresénumérées dans la première convention de Genève aux articles 24 à 32, au titre desmembres permanents de la composante médicale. Ils sont détenteurs d’une carte d’identitésanitaire. Dix vétérinaires sont en fonction, en temps de paix, au sein de cette composantemédicale. Leurs attributions et compétences sont comparables à celles du service de santédes armées français. Si la fonction de soins aux animaux est exclusive en temps de paix, iln’en est pas nécessairement de même lors d’engagements ou de conflits : ils pourraientégalement être affectés, de façon simultanée, à des fins sanitaires au titre de la préventiondes maladies. Dès lors, on peut considérer que l’ensemble du personnel vétérinaire belgerépond à la définition du personnel sanitaire du premier protocole des conventions deGenève, étant affecté de façon permanente ou temporaire à des fins sanitaires.En Allemagne, le service vétérinaire est, comme en France, intégré au service desanté des armées. Le personnel vétérinaire est un personnel protégé. La seule exceptionconcerne une unité particulière commandée par des vétérinaires, la « Tragtier Kompanie »qui est une compagnie de transport logistique par mulets.
C) UNE DÉCISION RAISONNABLE MAIS CONTESTABLE.
Les services vétérinaires, en France, comme dans d’autres pays, sont intégrés auservice de santé des armées et, nous l’avons vu, au cours du temps, les fonctionsvétérinaires tournées vers les animaux ont laissé de plus en plus de place aux fonctionstournées vers l’humain. Par ailleurs, ces fonctions sont de plus en plus intriquées à cellesdes fonctions médicales puisque vétérinaire et médecin oeuvrent de concert sur les théâtresd’opération.Il est clair que le vétérinaire, même s’il mène une partie de ses actions au profit deschiens militaires, n’est pas un combattant. La neutralité pour le personnel sanitaire, c’estl’exigence de s’abstenir de tout acte d’hostilité et, plus généralement, de toute ingérencedans les opérations militaires. C’est à cette condition que lui est accordée une protectionparticulière et le vétérinaire peut y prétendre.Comme le souligne David (26), professeur de l’Université libre de Bruxelles, à proposdes conseillers ou assistants en morale laïque, bien que ces personnels ne s’apparententpas directement au service de santé, rien ne s’oppose à ce que l’Etat les incorpore dans lepersonnel sanitaire ; ils bénéficient alors de la protection spécialement due à celui-ci. Il fautdonc que ces personnels aient été habilités par une partie au conflit à y accomplir desactivités humanitaires. Il relèverait donc à chaque partie contractante, de décider quels sontles personnels qui doivent faire partie de son service de santé. C’est cette intégration qui vafinalement donner la protection, comme l’ont souligné les exemples internationaux.12Toutefois, si ces décisions paraissent de prime abord raisonnables, elles n’endemeurent pas moins contestables, car les missions des vétérinaires ne sont pas axées surle malade ou le blessé. Ce sont des missions générales au profit de la force comme le sont,par exemple, celles du commissariat. Même si certaines fonctions relèvent de la prévention,elles s’exercent au profit de la force dans son ensemble. Il n’y a là pas d’argument spécifiqueà donner la protection et rien dans les conventions ne permet de s’y raccrocher.
V) CONCLUSION.
Au cours des ans, le Comité international de la Croix-Rouge n’a cessé d’oeuvrer pourque le droit accorde à la personne humaine une meilleure défense contre les rigueurs de laguerre. Il s’est efforcé, pour cela, de développer les conventions humanitaires, de lesadapter aux nécessités de l’heure ou d’en créer de nouvelles (27). Les règles du droitinternational humanitaire sont, en ce sens, le fruit de l’expérience.Nous l’avons vu dans cet article, il est souvent difficile de prendre position surcertains domaines bien précis et il faut souvent revenir finalement à l’esprit des conventionspour conclure. Quand le droit international peine dans son évolution, c’est souvent parce qu’ilrencontre un problème d’applicabilité et non un problème de codification. La protection dupersonnel vétérinaire en est un exemple et il souligne qu’il faut toujours réaffirmer lesfondements du droit des conflits armés et, comme le soulignait Albert Camus, se battre pourune vérité en veillant à ne pas la tuer des armes mêmes dont on la défend.Cependant, l’esprit des conventions que tous se plaisent à mettre en avant est-ilcommun à toutes les cultures ? L’épaisseur des commentaires des conventions de Genèveou des protocoles additionnels à ces conventions aurait tendance à montrer qu’il n’en estrien. Comme dans de multiples autres domaines du droit international humanitaire, laprotection est basée sur la confiance et chacun doit se garder de prêter le flanc à quelquecritique que ce soit à ce sujet. Nous savons tous que cette confiance s’émousse dans lessituations de tensions ou de conflits et il est de notre devoir de tout mettre en oeuvre afin dene pas apporter une érosion supplémentaire à ce respect indispensable à notre actionhumanitaire.
REFERENCES
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19) Comité international de la Croix-rouge, Les protocoles additionnels aux conventions deGenève du 12 août 1949, Genève, 1996.
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21) Commentaires des protocoles additionnels du 8 juin 1977, CICR.
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27) DARRE E. «Plaidoyer pour le droit international humanitaire », Médecine et Armées,1999, 27, 5, 411-413.
Éric DARRÉ, Emmanuel DUMAS

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